mercredi 31 janvier 2018

l'Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Languedoc - Sénéchaussée de Béziers

S   uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →

Nous poursuivons avec la découverte du "livre" (c'est l'appellation donnée à une section d'un manuscrit, qui est lui-même divisé en chapitres) consacré au Gouvernement de Languedoc. Après la Sénéchaussée de Toulouse, le pays de l'Albigeois et du Castrais, la Sénéchaussée du Lauragais, celle de Carcassonne, nous abordons le cinquième chapitre dédié à la Sénéchaussée de Béziers. Cette ancienne entité administrative était composée des territoires de trois diocèses : Agde, Béziers et Lodève, aujourd'hui rassemblés dans une grande partie du département  de l'Hérault.



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Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir 






  Les fragments de manuscrits proviennent cette fois du Volume II. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.

(*)  Armorial Général de France  -  volume XIV  -  Languedoc 1ère partie  
       Armorial Général de France  -  volume XV  -  Languedoc  2e partie  (BNF Paris)



Béziers (Hérault)
  Bel exemple de constance à travers les siècles dans ce blason : selon la plupart des sources, ces armes "d'argent à trois fasces de gueules" (sans le chef de France rajouté plus tard, après la conquête du Languedoc) remonteraient au XIIIe siècle avec les armes des anciens vicomtes de Béziers, et en particulier la maison de Trencavel , également seigneurs d'Albi et de Carcassonne.


Agde (Hérault)

  Ici encore, la constance de cette figure est remarquable. L'ancienne cité épiscopale est située sur le petit fleuve de l'Hérault qui se jette dans le Golfe du Lion à quelques kilomètre de là, ceci expliquant les ondes d'azur.




Lodève (Hérault)


  Pour cette autre ancienne cité épiscopale, on observe à l'inverse des précédentes, une évolution progressive du blason. Parti d'une simple croix d'or sur champ d'azur (qui seraient les armes personnelles d'un ancien évêque de Lodève, Gaucelin de Montpeyroux (1162-1187), ont été rajoutés des meubles dans les quatre cantons : étoile, croissant et les initiales L et D, tantôt d'or ou d'argent, et enfin en cœur un écusson d'azur chargé d'une fleur de lis d'or, apparu avec la restauration des armoiries, après la Révolution et le 1er Empire, le 3 février 1819, sous le règne de Louis XVIII.



Pézenas (Hérault)

  Nous retrouvons, d'une : la constance du blason dans le temps, et de deux : les armes de l'ancienne vicomté de Béziers, le champ augmenté d'un franc-quartier d'or au dauphin d'azur. Le chef d'azur aux fleurs de lys d'or daterait de 1262, date à laquelle le territoire et la ville passent dans le domaine royal, consécutivement à la Croisade des Albigeois. Le canton au dauphin a été concédé par le Dauphin Charles (futur Charles VII) en 1419, pour récompenser la fidélité de la ville à sa cause, face aux troupes anglaises, durant la Guerre de Cent ans.




Clermont -l'Hérault (Hérault)

  Très souvent, on l'a déjà vu, l'auteur du manuscrit a préparé comme ici,  un emplacement pour y dessiner les armoiries des villes pour lesquelles il a rédigé un descriptif. Mais les écus sont restés désespérément vides. Nous en ignorons la raison : manque d'information fiable, manque de temps, on ne le saura jamais. .
 Le blason utilisé actuellement est le même que celui publié dans l'Armorial Général de France, constitué d'après l'édit royal de 1696.
 A noter également  : l'ancienne dénomination oubliée de la ville : Clermont -de-Lodève.



Gignac (Hérault)


  Le blason actuel possède une similitude avec celui publié dans l'Armorial des États de Languedoc par Denis-François Gastelier de La Tour, édité en 1767 (voir → ICI).  Celui décrit par La Planche présente un château au lieu d'une tour et un chef d'azur chargé des fleurs de lis, peut être confondu avec d'autres blasons semblables de villes de la région  (Castelnaudary, Lavaur, Cordes).
  Enfin, celui provenant de l'Armorial Général de France fait partie d'une de ces interminables séries de blasons confectionnés méthodiquement et à la chaîne par Charles d'Hozier, mais ici avec une base constante: des figures losangées (pièces honorables : chefs, fasces, pals, bandes, croix, chevrons, etc... voir → ICI). Beaucoup de communes ont néanmoins conservé ces armoiries attribuées d'office, malgré leur caractère aléatoire et la confusion inévitable entre elles qu'elles entraînent ! Mais il faut savoir que les municipalités les avaient payées assez cher aux percepteurs d'impôts royaux : jusqu'à 50 livres tournois.


Montagnac (Hérault)





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D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :  Canet, Saint-Guilhem-le-Désert, l'Abbaye de Valmagne (commune de Villeveyrac), Saint-Thibéry Florensac, Marseillan, Mèze, Loupian, Murviel (-les-Béziers), Saint-Jean-de-Fos, Bédarrieux.

# cependant, quelques années plus tard, certains lieux ou villes (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France.  Ces blasons sont encore d'actualité, pour certains, à quelques détails près



Canet (Hérault)


Saint-Guilhem - le Désert
(Hérault)







Saint-Thibéry (Hérault)



Marseillan (Hérault)


Mèze (Hérault)


Murviel -les- Béziers
 (Hérault)


Saint-Jean-de-Fos (Hérault)



Bédarieux (Hérault)


  Un très grand nombre d'autres villages de la région, nommés "communautés des habitants" (Com. des hañs) dans les registres de l'Armorial Général de France ont été identifiés et enregistrés avec des armoiries la plupart attribuées d'office. Il serait fastidieux de les lister tous ici, d'autant que certaines localités ont été absorbées par les nouvelles communes constituées après la Révolution. Toutefois vous pouvez vous amuser à les rechercher dans les ouvrages numérisés chez Gallica, dont je donne les liens ci-dessous, et accessoirement aussi dans les très intéressantes fiches listées département par département sur le site : armorial de france.fr


A bientôt pour une nouvelle série ...→ ICI


Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés  à : armorialdefrance.fr/

les extraits des manuscrits proviennent de :
- Bibliothèque et Archives du Musée du Château de Chantilly :
   . www.bibliotheque-conde.fr/ressources-en-ligne/
- Bibliothèque nationale de France à Paris : 
   . gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111467n
   . gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1114681



             Herald Dick  
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mardi 23 janvier 2018

Le choc des titans de l'héraldique mondiale :
Lions 🦁 vs 🦅 Aigles, 4e partie : en Asie

🛡 Depuis le Moyen-âge en Europe, le lion et l'aigle sont les animaux les plus anciens et les plus diversement stylisés du bestiaire héraldique. Le lion s'impose en Europe occidentale, alors que l'aigle règne en Europe orientale et centrale. Je vous ai déjà présenté un premier volet mettant face à face les emblèmes nationaux actuels en Europe (voir → ICI), en Amérique (voir → ICI), en Afrique (voir → ICI). Le lion en est sorti trois fois vainqueur.

Illustration de la bataille pour la couronne entre
aigle et lion en un seul blason : armoiries de la ville
 de Capestang (France, département de l'Hérault)

  Nous allons maintenant nous déplacer vers l'immense et diverse Asie, pour découvrir si la balance penche toujours vers les lions et ses dérivés ou bien vers les aigles et ses cousins rapaces. A gauche, la colonne est dédiée aux aigles et grands rapaces apparentés et même imaginaires pour certains, à droite, la colonne rassemble les lions et quelques grands félins, que les figures soient présentes dans l'écu central, ou bien dans les ornements extérieurs : supports, cimiers, etc... Et au centre, pour certains pays, les deux figures combinées ensemble: lion et aigle, réunies dans le même emblème, donnant parfois un match nul si l'on les met en compétition .
  Il ne reste plus qu'à compter les points !

Royaume de Jordanie
ce sont aussi les armoiries du souverain, le roi de Jordanie


République de l'Inde
trois lions qui viennent du chapiteau aux lions d'Ashoka
 (en réalité ils sont quatre)

Irak
l'aigle est un symbole associé à la légende de Saladin comme
 nous l'avons déjà vu dans le continent précédent avec l'Égypte 
Sri Lanka
le lion brandissant un sabre est un ancien symbole
remontant au vieux royaume de Kandy



Syrie
cette fois, ce n'est pas un(e) aigle, mais un faucon, un symbole arabe
appelé "le faucon de Quraych"  























État de Palestine
nouvelle version de "l'aigle de Saladin"
























Yémen















Émirats arabes unis
nous retrouvons le symbole du  "faucon de Quraych" et par ailleurs
la fauconnerie est un élément important dans la tradition
des hommes de pouvoir arabes























Kirghizistan
encore un faucon aux allures d'aigle avec des ailes largement déployées




















Ouzbekistan
ce n'est pas exactement un(e) aigle, cet oiseau légendaire
est appelé "khumo" équivalent du simurgh ou homa pour les
 perses (Iran), et proche du griffon que nous connaissons
bien en héraldique, tous originaires de ces pays d'Asie centrale 

Myanmar (Birmanie)
les lions adossés sont en fait des animaux de la mythologie bouddhique :
ils se nomment "chinthe" en birman.







































Royaume de Thaïlande
Voici un autre être imaginaire aux allures de grand rapace :
c'est le fameux "Garuda",  mot qui signifie "aigle" en sanskrit.
C'est un personnage très important dans la mythologie
de l'hindouisme et du bouddhisme
Royaume du Cambodge
ce sont aussi les armoiries du roi du Cambodge  :
en support : ces lions (singha) sont encore des animaux
mythologiques, celui de gauche porte même
une trompe d'éléphant ! 
Fédération de Malaisie
Deux beaux tigres, symboles de force et de courage, soutiennent l'écu.

















République d'Indonésie
Nous retrouvons l'animal fabuleux "Garuda" vu plus
haut, cette fois avec un aspect plus reconnaissable
d'un aigle géant, comme il est souvent représenté


République de Singapour
Si le tigre représente la Malaisie dont Singapour a fait partie
 pendant un long moment de son histoire, le lion caractérise
plus spécifiquement la ville-état indépendante de Singapour
 elle-même

République des Philippines
Le seul match nul de cette série, dans l'écu, face à face : un aigle pêcheur
 qui ressemble fortement à celui des États-Unis d'Amérique et un lion rampant
qui nous vient des armes de l'Espagne (de l'ancien Royaume de León),
qui furent les deux anciens maîtres du pays avant son indépendance.




🗺
Résultat final du match Asie en nombre de figures :               🦁 : 13 ↔ 🦅 : 11
Malgré sa présence dans un plus grande nombre
d'emblèmes, l'aigle est ses dérivés sont battus en terme
de quantité cumulée d'exemplaires de figures, mais de peu !


📂 Pour en savoir plus sur l'historique et la symbolique des ces emblèmes, je vous invite à revoir les fiches que j'avais réalisé en 2013, pays par pays, et que je mets à jour autant que possible, dans le dossier nommé "Emblèmes pays" →   ICI  (accessible également par le deuxième onglet en haut de cette page, sous l'en-tête)


💶 Crédits :
- images avec lion et aigle sur l'icône de fin:  fr.freepik.com, compositions graphiques de herald dick.
- armoiries nationales : commons.wikimedia.org
- armoiries de Capestang :  armorialdefrance.fr/accueil.php




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