mardi 15 novembre 2016

l'Armorial de La Planche - 1669 - Gouvernement de Picardie (additions) - Pays reconquis de la Flandre gallicane

 S   uite de la visite d'un des plus anciens manuscrits répertoriant des armoiries de villes et de villages de France, dessinées à la plume et peintes à l'aquarelle, antérieur de trois décennies à l'Armorial Général de France de Charles d'Hozier ! Voir la description initiale : →

  Nous poursuivons avec la découverte du "livre" (c'est l'appellation donnée à une section d'un manuscrit, qui est lui-même divisé en chapitres) consacré au Gouvernement de Picardie. Dans les deux précédents chapitres, nous avons traité déjà les territoires reconquis récemment par les armées de Louis XIII, puis celles de Louis XIV, et rattachés à la couronne de France,selon les termes des différents traités signés entre la France et l'Espagne. Pour rappel il s'agissait du retour d'une petite partie de la Flandre maritime, le pays de Dunkerque (en 1658), puis de l'Artois (en 1659), plus tard Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys et le Cambrésis (en 1678). Et maintenant cela concerne la Flandre, avec la partie sud de l'ancien comté, comme l'explique le père de La Planche dans le préambule de son chapitre (ci-dessous), qui vient juste d'être reconquise et rattachée au royaume de France en 1668, selon le traité d'Aix-la-Chapelle. Ces territoires sont provisoirement rajoutés à l'administration du Gouvernement de Picardie.
  Nous continuons donc avec le chapitre 7 consacré à cette petite partie de l'ancien comté de Flandre, que notre père de La Planche nomme la "Flandre gallicane", ou "gallicante", plus connue comme "Flandre wallonne", soit en gros les pays de Lille et de Tournai, de langue romane. Elle se différencie de la "Flandre teutonne" toujours selon La Planche, celle qui est néerlandophone, actuellement située dans les provinces de la communauté flamande en Belgique, ou encore le petit territoire frontalier français, tout au nord, dont la toponymie des lieux tient son origine de cette langue germanique, dérivée du néerlandais, le flamand occidental, comme à Hondschoote, Steenvoorde et Hazebrouck ...

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Voici l'extrait d'une carte datant de la fin du XVIIIe s. , donc postérieure d'un siècle, mais sur laquelle j'ai reconstitué les limites administratives de notre région :
 Vous pouvez cliquer sur toutes les images pour les agrandir 











  Les fragments de manuscrits proviennent toujours du Volume I. Pour enrichir l'étude, j'ai mis en bonus l'extrait équivalent (quand il existe) dans l'Armorial Général de France* (1696-1711), établi par Charles-René d'Hozier, et comme auparavant, j'ai placé le blason actuel en-dessous, pour comparer les différences ou au contraire la constance des figures dans le temps.

 (*)  Armorial Général de France -    volume XII   -  Flandres    (BNF Paris) 



Lille (Nord)

  Les armes de Lille , armes parlantes faut-il le rappeler : le lis se disant en latin "lilium" , donc absolument rien à voir avec la fleur de lis, symbole des rois de France, sont parmi les plus anciennes qu'on puisse trouver en France. Elle apparaissent sur un sceau apposé à une charte datant de 1199. Donc il est à peu près certain qu'elles sont encore plus anciennes et antérieures aux débuts de l'héraldique elle-même.
Je vous propose cet excellent site, bien illustré avec des armes prises en photo in situ dans la ville, qui retrace l'historique et les quelques rares changements opérés sur le blason notamment sous le 1er Empire (voir → ICI). Vous pouvez également admirer ces quelques documents numérisés de la Bibliothèque municipale de Lille (voir → ICI). J'y rajouterai pour terminer la curieuse et ignorée période "bleue" du XIXe siècle, où, bizarrement le blason de Lille a été représenté avec un champ d'azur ! (voir → ICI, tout à la fin du sujet).




Douai (Nord)

 Voici une exception remarquable, unique, dans toute l'héraldique civique française et rarissime ailleurs dans l'univers des blasons ! un blason à émail unique et uniforme. Les véritables armes de Douai sont effet bien : "de gueules plain". Elles figurent sur les cloches du carillon de 1659 et ont été enregistrées à l'Armorial de Flandre du XVIe siècle (voir sur une réédition moderne, le folio f38 → ICI), et comme nous le confirme l'extrait ci-dessus, également dans le registre de l'Armorial Général de France, consacré à la province de Flandre (édit royal de 1696).
  Cependant des auteurs, insatisfaits, que je pensais tous bien postérieurs à cette époque ont crû nécessaire de combler ce vide en rajoutant diverses choses, en particulier une lettre "d" minuscule gothique ou encore une flèche de sable en bande fichée au cœur de l'écu provoquant une tache de sang rouge, donc "gueules sur gueules", ridicule (voir mon sujet spécial  → ICI). Jusqu'à ce je que tombe sur ce manuscrit où le blason de Douai est dessiné avec un "d" minuscule dit "à l'ancienne", sans doute de type "onciale". Remarquez au passage la retouche de la pointe du "d" que l'auteur a préféré représenter davantage fermée.



Orchies (Nord)

  Pour la première fois, le manuscrit nous présente un dessin d'armoiries "préparé" à l'encre de chine, mais non colorié. De surcroit, le traditionnel blasonnement inscrit dans la marge correspondante, à droite, est lui aussi inachevé " D'or au lion de ....". Nous allons voir plus bas, qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. On rappellera que la province de Flandre n'est rattachée à la France que depuis quelques mois, quelques années tout au plus, quand La Planche réalise cet ouvrage, et qu'on peut supposer qu'il lui manquait alors des retours d'informations sur les armes de ces nouvelles cités, que lui rapportaient des amis et correspondants sur place. Elles étaient pourtant enregistrées à l'Armorial de Flandre du XVIe siècle avec un champ d'or, effectivement, comme le prédisait l'auteur (voir la réédition moderne, le folio f38 → ICI)
 Quelques décennies plus tard, Monsieur d'Hozier, juge d'armes du roi Louis XIV, les a lui bien reçues pour établir son Armorial Général de France, comme on peut le vérifier.






Armentières (Nord)

  Primitivement , les armes d'Armentières ont été enregistrées à l'Armorial de Flandre du XVIe siècle, avec un blason très simplifié, fleur de lis de gueules, soleil et lune figurée d'or, sur un champ d'argent, sans partition (voir la réédition moderne, le folio f38 → ICI).
   C'est certainement d'après ce dessin que le père de La Planche a voulu représenter sa version, qu'il a joliment dessinée à la plume, sans trembler. Bizarrement il n'a colorié que le soleil, mais pas les deux autres meubles. Et il n'a pas mentionné le blasonnement dans la marge.
   Dans la version enregistrée dans l'Armorial Général de France, l'écu est partitionné en argent mantelé-ployé d'azur, apportant une nouveauté intéressante, mais qui ne passera pas la Révolution française. Passons très vite sur la version "1er Empire", en tant que ville de seconde classe, avec deux partitions, suppression de la fleur de lis et rajout d'un lion, qui n'a eu que quelque mois d'existence (voir → ICI).  La version finale moderne : avec coupé de gueules et d'argent, supplantant celle à l'écu d'argent plain, ne serait apparue qu'au début du XXe siècle, voir bref  historique → ICI
A noter dans le texte, l'amusante description qui débute la description "Armentière Est une ville assez gentille à 3 lieues de Lille..." . Mais naturellement le mot "gentil" avait un autre sens à cette époque. Sans doute voulait-il dire "plaisante, agréable...". 





La Bassée (Nord)

  Ces armes proviennent d'anciens sceaux échevinaux.
  L'historien et héraldiste Jacques Meurgey de Tupigny (1891-1973) qui a eu en sa possession ce manuscrit, a publié une étude à son propos en 1952 dans la revue de la Société française d'héraldique et de sigillographie (conservée à la BNF Paris). A la fin de cette étude, il confie que "Pierre de La Planche... n'est pas exempt d'erreurs. Son langage héraldique est peu sûr, je veux dire qu'il n'est pas conforme aux règles des bons auteurs .(...) Il utilise rarement les mots dextre ou senestre, (...) Cependant en dépit de ces erreurs de vocabulaire, il est facile de le comprendre et ses descriptions sont claires et exactes". Pour preuve, on constate que pour La Bassée, il a probablement dû mal interpréter le blasonnement de ses armoiries "De gueules à la fleur de lis d'argent défaillante à dextre" et a de fait exécuté son dessin de manière erronée.






Lannoy (Nord)

  Le duc de Bourgogne Philippe le Bon a donné en 1459 à la ville de Lannoy le sceau aux causes de l'échevinage. A cette occasion furent choisies les armoiries "D'argent à trois têtes de chien clabaud de sable". "Clabaud" est un adjectif ancien qui désignait un chien aux oreilles pendantes, aboyant beaucoup, comme le font les chiens de chasse. Mais La Planche, dans son blasonnement, emploie le terme de "lanier" qui se rapportait jadis à la chasse aux oiseaux . Ce qualificatif n'existe plus aujourd'hui sauf pour désigner une espèce de rapace : le "faucon lanier". Le lanier, comme le limier, également, était donc une variété de chien de chasse spécialisé. Et donc, il est presque évident que le blason de Lannoy est basé à l'origine sur des armes parlantes (approximatives) : lanier ↔ Lannoy. A creuser.






Comines 
 (France - Nord)
    Comines (Belgique -
 province du Hainaut)

  Encore une fois, notre auteur a certainement manqué d'informations pour finaliser son blasonnement qui comporte des trous et son dessin qui n'a pas de couleurs. Il n'a pas non plus pu choisir entre besants et tourteaux à cause justement de l'absence de couleur.
  Il y a eu dans les écrits anciens et selon les auteurs, beaucoup d'errements et de divergences pour établir le véritable blasonnement de cette ville : "d'or à la clé de sable accompagnée de six roses de gueules, trois de chaque côté", ou bien "huit roses de gueules en orle", ou encore des besants au lieu de roses, etc.. Le champ est quant à lui, décrit tantôt d'argent, tantôt d'or. Enfin, la clé est parfois contournée, comme sur le manuscrit de La Planche, ci-dessus. Voir un intéressant complément historique sur le lien suivant → ICI
  Depuis 1668, la ville de Comines est coupée en deux, la frontière étant constituée par la rivière "la Lys". La partie sud est française et a choisi un blason "D'argent à la clef de sable accompagnée de cinq quintefeuilles de gueules, deux à dextre, deux à senestre et une en pointe". A quel moment les roses sont elles devenues quintefeuilles ? difficile à dire. La partie nord de la ville, nommée Comines-Nord ou Comines Belgique, est aujourd’hui la commune belge de Comines-Warneton, une exclave de la province du Hainaut en Flandre occidentale. Ces territoires ont été successivement flamands, bourguignons, espagnols, autrichiens, français, hollandais et enfin belges depuis 1830 avec l'accession à l'indépendance de la Belgique. En 1841, le conseil communal de Comines-Nord décide de reprendre les anciennes armoiries "D'or à la clef de sable, aux huit roses de gueules en orle" qu'on pense être les véritables armoiries historiques, qui auraient été données dès le XIIIe siècle par les puissants seigneurs de Comines. Elles ont été conservées pour représenter la nouvelle commune de Comines-Warneton en 1978, après fusion de Comines et de Warneton. Cette dernière est aussi un ville frontière belgo-française coupée en deux, voir ci-dessous.

Source des infos historiques contenus dans les textes : Armorial des communes du département du Nord  par  Théodore Leuridan (1909) - reprint par les Éditions de la Tour Gile (1996)



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D'autres lieux ou villes sont juste décrits par le texte, sans blason ni mention s'y rapportant :
Marquette (Abbaye), Loos (Abbaye), Seclin, Tourcoing, Haubourdin.

  # cependant, quelques années plus tard, certaines villes ou lieux (en gras, ci-dessus) ont été enregistrés et blasonnés dans l'Armorial Général de France.




Seclin (Nord)
Tourcoing (Nord)
Haubourdin (Nord)




# et pour être complet avec l'Armorial Général de France, on peut encore rajouter ces dernières villes de Flandre, dans le pays et ancienne châtellenie de Lille, qui n'ont pas été mentionnées dans le manuscrit de La Planche, avec les blasons actuels en-dessous pour comparaison :
 -  Cysoing, Bouvines, Templeuve, Deûlémont, Warneton, Wervicq, Roubaix.

 
Cysoing (Nord)
Bouvines (Nord)
Templeuve (Nord)
Deûlémont (Nord)
Warneton
(France - Nord)
Warneton (Belgique -
province de Hainaut)
Wervicq - Sud
(France - Nord)
Wervik (Belgique -
province de Flandre occidentale)
Roubaix (Nord)





A bientôt pour une nouvelle série ... → ICI


 
Crédits :
les blasons "modernes" sont empruntés  à :   armorialdefrance.fr/ 
- sauf  Lille : livre "Blasons des préfectures et des sous-préfectures" de Robert Louis -  préface de Jacques Meurgey de Tupigny (1891-1973)- éditions Girard, Barrère et Thomas , Paris - 1949)
- sauf  Lannoy qui vient de : armoiries.free.fr/accueil/ 
- sauf  Comines  (Belgique), Warneton (Belgique), Wervik (Belgique) : album à vignettes "Armorial du Royaume de Belgique et du Grand Duché de Luxembourg" - Café Hag, Bruxelles - Belgique (1931)

    Et je remercie particulièrement les personnes responsables de la Bibliothèque et des Archives du Musée du Château de Chantilly : www.bibliotheque-conde.fr/


             Herald Dick  
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